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Wednesday 28 November 2012

La balkanisation du Congo ne marchera pas

(AgoraVox 28/11/2012)

Derrière le spectacle médiatisé du Président Kabila et la politique du laissez-faire des casques bleus se dissimule un gros secret de polichinelle, aussi visible que le soleil de midi. On veut balkaniser le Congo ou, pour être plus précis, « arracher » les riches régions de l’Est pour les « confier » au Rwanda de Paul Kagamé.

C’est un vieux projet qui est entré dans sa phase de concrétisation avec la première guerre du Congo qui fut un échec malgré les fameux « accord de Lemera[1] ». Aux termes de cet accord, qui fut, en réalité, un marché de dupes, les « Rwandais » aidaient Laurent Kabila à chasser Mobutu et prenaient, en contrepartie, le contrôle des régions de l’Est du Congo. Un accord dont il est vite apparu qu’il était irréalisable. Mais les Rwandais tiennent bon. Ils continuent de s’acharner sur le Congo et rivalisent d’imaginations pour rester d’une manière ou d’une autre sur le territoire congolais (infiltrations de l’armée et de l’administration, création des rebellions fantoches, confusion sciemment entretenue sur la question de la nationalité,…). Des Congolais haut-placés seraient même dans le coup.

En tout cas, ils ont réussi l’exploit d’affaiblir considérablement l’armée congolaise offrant ainsi au Rwanda la capacité de s’enfoncer sur le territoire congolais comme dans du beurre, chaque fois que Kigali le désire.

En effet, depuis la chute de Mobutu, l’armée congolaise enchaîne des défaites absolument inimaginables face aux combattants rwandais. A Goma, il y avait vingt mille soldats congolais qui devaient se battre contre deux mille rebelles du M23. Soit dix soldats congolais contre un seul maquisard du M23. L’armée nationale a été mise en déroute. Avant même qu’on en arrive à la chute de Goma, le M23 comptait environ 300 mutins contre vingt mille soldats loyalistes. L’armée congolaise (129 mille hommes) n’a pas réussi à mater une « bande » de quelques centaines de mutins. Cette armée-là est un cas d’école en matière d’humiliation d’un peuple.

En creusant un peu on apprend des témoignages de plus en plus récurrents sur le déroulement des opérations sur le front. Les troupes congolaises, qui comprennent des éléments expérimentés (15 ans de guerre) ne perdent pas toutes les batailles contrairement à l’impression générale. A Kibumba, les Congolais avaient même infligé de lourdes pertes au M23 (113 morts). Mais, comme cela arrive trop souvent, les officiers congolais ont reçu des appels les invitant à effectuer un repli. Juste au moment où ils prenaient le dessus sur l’ennemi. Le M23 en a profité pour foncer sur Goma, déserté sans combat. C’était le même scenario à Mushake, en décembre 2007 lorsque les miliciens du CNDP de Laurent Nkunda ont massacré plus de 2.600 soldats congolais perturbés par des appels au repli alors qu’ils prenaient le dessus.

Il y a donc quelqu’un à Kinshasa qui ordonne ces replis et offre à l’ennemi les occasions de gagner du terrain. On ne cherchera pas loin : cette armée, ayant intégré des trop nombreuses rebellions et groupes armés, est profondément gangrénée par des éléments douteux qui s’activeraient à saborder le Congo de l’intérieur pour faciliter le démantèlement du pays. Un projet pourtant insensé et qui ne peut pas marcher. La balkanisation du Congo n’est pas réalisable pour au moins trois raisons.

La première est que les frontières du Congo sont héritées de la Conférence de Berlin (1884-1885). L’effondrement des frontières d’un seul Etat africain risque de provoquer un effet domino absolument catastrophique et une grosse pagaille sur le Continent Noir. Il est impossible de déplacer une seule frontière sans provoquer un bain de sang. L’exemple du Sud Soudan où la guerre se poursuit nous donne un avertissement à l’intention des apprentis sorciers qui s’aviseraient à retoucher les frontières des Etats africains.

Le Congo, à lui tout seul, partage dix frontières avec les pays de la région. Faire disparaître un Etat aussi stratégique risque de provoquer des troubles dans au moins dix pays à la fois les affinités et les antagonismes ethniques devant ressurgir, inévitablement. On peut toujours essayer, mais la deuxième guerre du Congo qui a vu s’affronter, pour la première fois de l’histoire de l’Afrique, neuf armées nationales et une trentaine de rebellions et groupes armés, nous a appris que le Pays de Lumumba n’est pas une mince affaire. Le Rwanda, pourtant aidé par les Américains, les Britanniques et bénéficiant de la totale impunité, n’y est pas parvenu. Il contrôlait presque le tiers du territoire congolais mais a dû lâcher l’affaire au bout de six millions de morts et confronté à une résistance acharnée des autochtones (Maï-Maï).

La deuxième raison rendant la balkanisation du Congo irréalisable est que le Rwanda souffre de faiblesses structurelles trop importantes pour pouvoir conquérir et conserver durablement un territoire. L’image du « Rwandais » est trop négative dans l’opinion congolaise. Kigali ne peut régner sur un territoire congolais qu’en recourant à la répression systématique quasiment au quotidien. Ça ne peut être qu’une occupation armée ou une forme de colonisation. Ce pays a-t-il la capacité de mener une politique coloniale avec tout ce que cela entraîne en termes de réprobation internationale et de violation des droits des autochtones ? Au 21ème siècle ?

En tout cas, Israël, avec de gros moyens et l’appui des démocraties occidentales (USA) n’arrive pas à tenir la Palestine.

La troisième raison est que le Rwanda n’étant pas une démocratie, sa stabilité sur la durée s’inscrit en pointillées. C’est d’ailleurs un pays assez malheureux. Toute la vie nationale repose sur les épaules d’un seul homme, sorte de patron du pays. Or, si puissant que puisse être Paul Kagamé, il n’offre aucune garantie à moyen et à long terme. Les Libyens se sont rendu compte de la fragilité des régimes dictatoriaux. Lorsque le sort s’est acharné sur la personne de Mouammar Kadhafi, le pays tout entier s’est effondré. Qui a dit qu’un jour le sort ne va pas s’acharner sur la personne de Paul Kagamé ?

En définitive, pour ces trois raisons (il y en a d’autres), la balkanisation du Congo au profit du Rwanda est un projet hautement improbable.


Ecrit par
Boniface MUSAVULI

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